jeudi 11 juin 2015

Part 3 - Qu'est ce que je fous dans cette galère ?

gallery_1108_1622_27749.jpg

17h56, je sonne à l’interphone du consulat…

« On est fermé »
« Je suis désolé d’insister, mais c’est urgent j’ai mon vol demain matin »
« Alors revenez demain à 8h30. »

Bon, j’ai fait tout ce que je pouvais aujourd’hui, et je rentre à l’hôtel. C’est quasi définitivement mort pour repartir demain matin, à moins que ça se passe exceptionnellement bien au consulat demain matin et que tout soit réglé en 20mn. Mais étant donné que j’ai mis 8h pour obtenir une simple déclaration de vol aujourd’hui, je n’ai pas vraiment de doute sur l’issue du lendemain et je me demande même quand je vais pouvoir repartir. Je commande un coca citron dans le lobby, histoire de décompresser de cette journée et je me pose pour profiter de la connexion internet vacillante. Je me renseigne un peu sur le prix des riads à vendre, au cas où je doive finalement rester ici quelques années. Après avoir constaté avec plaisir que 40 de mes adorables amis facebook ont liké le fait que j’ai perdu mon passeport et que je sois coincé au pays de la drogue et de la prostitution, je relis le premier chapitre de « jamais sans ma fille » pour me remonter le moral. Vie de m**de.

Tant pis, la vie est belle, j'ai mes deux bras, mes deux jambes et un sexe énorme, je suis contraint de prendre des vacances supplémentaires au soleil et je serai quand même ingrat de me plaindre. Je me met donc en quête d'un bon resto pour le soir et je rouille un peu sur youporn et marmiton. Il est 20h30 quand je remonte dans ma chambre. Je prends une douche salvatrice et au moment de m’habiller, sur mon lit je découvre ma veste, que j’avais oubliée dans le placard de l’ancienne chambre et qu’une femme de ménage m’a déposée ici.

Je soulève la veste et je sens un gros truc dur dedans. C’est ma bite. Par acquit de conscience, je la sors quand même de la poche pour vérifier et… vous l’aurez deviné, c’est mon passeport que je retrouve dans la poche intérieure.


gallery_1108_1622_20696.jpg

put**n quel demeuré. Toute cette journée de galère pour retrouver mon passeport le soir. Dire qu’au moment de faire ma valise ce matin, après avoir retourné 2 fois toute ma chambre, je blaguais avec Steven : « Et là t’imagines le truc, en soulevant un vieux slip je retrouve mon passeport ? »

Tous les sentiments et leurs contraires se mêlent à ce moment là. Je devrais être content mais je n’y arrive pas vraiment. Je ne sais pas si je dois être soulagé de l’avoir retrouvé, ou dégouté d’être aussi débile. C’est difficile de vraiment profiter dans un moment comme ça ou tu te repasses le film de la journée, les heures perdues, les dépenses superflues, les odeurs dans les taxis, cette rage générée par l’immobilisme de cette bureaucratie marocaine…

Bon quoiqu’il en soit, le coté positif, c’est quand même que je vais finalement pouvoir repartir le lendemain contre toute attente. Je commande donc mon billet d’avion pour le lendemain matin 10h. 200€ réglés sur Royal Air Maroc. J’annonce la nouvelle à ma sœur qui se faisait du souci.

« Mais t’as fait ta déclaration de vol ? Parce ce que du coup ton passeport risque de ne pas être valide vu qu’il est déclaré volé. »

Mon dieu. Quel jambon. Et au Maroc, cette insulte prend vraiment toute sa dimension.

En plus, je viens de cliquer sur « confirmer l’achat du billet » y a à peine quelque secondes. J’en suis déjà à mon deuxième billet Marrakech – Lyon d’acheté, et je vais peut être toujours pas pouvoir monter dans l’avion. Je ferme mon PC, je fourre tous les papiers utiles dans mon sac et je cours en bas pour prendre un taxi et retourner au commissariat en espérant qu’il soit encore ouvert. En appuyant sur le bouton de l’ascenseur, Je me rends compte que je suis en caleçon et que ça risque d’empêcher le bon déroulement des négociations avec les autorités locales. Non pas que Marrakech soit particulièrement réputé pour le charme vestimentaire de ses autochtones, mais d’expérience, une couille vagabonde qui dépasse lors d’une discussion a toujours tendance à faire tiquer votre interlocuteur.

Habillé, déodorisé (ouais on sait jamais, je peux peut être pécho un flic moustachu.) Il est 21h30 quand j’arrive là bas, et je tombe en plein milieu d’une bagarre entre deux gars menottés qui se mettent des coups de boule. Ils se feront rapidement calmer par des uniformes bleus. Un flic à l’entrée me dit que je ne pourrai pas faire annuler ma déposition ce soir, et qu’il faut que je revienne demain matin 10h, parce que l’officier qui s’occupe de ça n’est pas là. J’insiste. Il insiste. Je ré-insiste. Il tank. Finit par céder et me laisse passer en haussant les épaules. Je reconnais un des flics de cet après midi, et je lui explique la situation, que je viens de retrouver mon passeport et que je voudrais annuler ma déclaration de vol. Il se met à fouiller dans un tas de papier à coté du PC et finit par m’en ressortir une feuille avec un sourire :

« Ji l’ai retrouvée ! »

Il prend alors la feuille en travers, me regarde en souriant et il la déchire.

« Hop disparu, plus di diclaration ! »

Surréel. En même temps, heureusement que tout ça m’arrive au Maroc où la lenteur de l’administration m’a sauvé d’un désastre intersidéral. Je confirme bien avec lui que rien n’a bien été envoyé.

« Non non t’en fais pas, tant que le papier est là, rien n’a été envoyé ici ! »

gallery_1108_1622_148075.jpg

Je quitte le commissariat refait, avec le sourire en dandinant comme un troll. Même si j’ai quand même encore un petit doute sur le fait que mon passeport fonctionne effectivement à l’aéroport. Je prévois donc d’y aller beaucoup plus tôt pour m’assurer que je peux bien quitter le pays. Si c’est pas le cas, j’aurai au moins le temps d’essayer de me téléporter à l’ambassade pour tenter la stratégie perdante du laisser passer.

Après une bonne nuit de sommeil, un petit dèj avalé (ouais, j’avale), il est 7h50, il fait grand soleil, je sors devant l’hôtel pour essayer de trouver un taxi honnête. Bonne chance Pedro. Je m’arrête devant le premier :

« L’aéroport pour 70 dirhams ? »
« Oui, pour 100 c’est bon. »
« C’est 70, c’est écrit sur ton pare brise. 100 c’est le tarif de nuit »
« Oui mais le tarif de nuit c’est jusqu’à 9/10h »
« Bien sur. Donc 70 c’est bon ? »
« Donne moi 90. 20 dirhams de supplément pour la valise. »
« Bon, je vais voir l’autre taxi là bas ? »
« Tssss.. Allez allez c’est bon 70.. »

S’en suivra une série de vociférations en arabe qui ne ressemblaient pas toutes à des compliments à mon égard.

On arrive à l’aéroport, et il me pose à l’autre bout du parking.

« Tu peux me poser devant l’aéroport s’il te plait ? »
« Pour 70, c’est ici que je pose »

C’est un des trucs tiltants au Maroc, devoir constamment négocier, y compris dans ton bon droit, même pour des prix affichés, et te faire prendre pour le dernier des conn**ds quand tu décides de ne pas te faire enc**er.

Bref, next, j’ai besoin de vérifier que mon passeport est valable mais impossible de trouver un flic capable de me répondre autre chose que « Oui oui c’est bon t’en fais pas. » sans plus de vérifications. Je suis donc contraint de patienter jusqu’à l’ouverture du guichet pour Casablanca par lequel je transite.

« Bonjour, votre passeport s’il vous plait »

La main tremblante, je lui tends mon carnet de voyage. Je suis en apnée, mon cœur bat la chamade. « one time, one time, one time » résonne dans ma tête.

….
….

« Voilà monsieur merci, embarquement porte B12, bonne journée »

CLAAAAAAC ! Wooohoooooo ! Victoire ! Contre toute attente, je gagne avec hauteur jack au showdown ! Heureusement pour moi et malheureusement pour vous, les cagoules décident donc de s’arrêter ici et je passe le comptoir d’enregistrement sans encombre.

Tout fier, je passe les contrôles de douane « comment ? Mais OUI, j’ai un passeport, tout à fait monsieur ». Je suis même dégouté de passer à coté d'un flic qui ne voudra même pas me contrôler.

Histoire de bien finir les choses, j’aurai aussi le plaisir de pouvoir, en traversant le zoo de Boston temporairement relocalisé dans l’aéroport de Marrakech, réaliser le dernier défi qu’on m’avait donné, le selfie chameau.

gallery_1108_1622_74068.jpg

Je pars donc avec la conscience tranquille d’une mission rondement menée.

Enfin assis dans l’avion, j’attache ma ceinture, je souffle une dernière fois, soulagé et je regarde au loin par le hublot ce pays que je pensais ne pas quitter de si tôt.

Ca y est Maman, cette fois je rentre à la maison !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

omg tu m'as presque encore plus fait VIBRER que le brave castaldi dans les premiers épisodes des live sessions...

sublimation totale du TILT

Anonyme a dit…

Ahahah!!!! Bravo, et tellement bien raconté!!
Virg, la ptite soeur qu'a bien flippé ;)

Rem's a dit…

Quel beau récit !! Tu devrais écrire un livre ;-)
A ce soir, biz, Rems